Kuroe

KUROE FUMIKAZU

« No...no...notice-me senpai ! »

CAN YOU INTRODUCE YOURSELF, PLEASE ?

Parler de moi... Alors... Ce n'est pas très intéressant... Ma Mamie dit que je dois avoir plus confiance en moi. Elle a raison, je n'ai toujours pas réussi à parler à qui que ce soit dans mon lycée. Ça ne me dérange pas d'être toute seule, simplement, c'est compliqué parfois pour récupérer les notes de cours quand j'ai perdu les miennes. Il faut vraiment que j'arrête de perdre mes notes. J'aurai sûrement de meilleurs résultats scolaires si je ne perdais plus mes notes, Mamie serait fière.

Même si c'est déjà bien d'être dans la moyenne. Ah voilà ! Moyenne ! Je suis moyenne, ou médiocre. Au moins, on ne me remarque pas trop et du coup, on ne m'embête pas. Au lycée, dans les commerces de mon quartier, on ne se souvient jamais de mon prénom. Ni de mon visage.

De toute façon, je ne fais pas spécialement attention aux gens. Ils se ressemblent un peu tous non ? Ou peut-être qu'il faudrait que je nettoie un peu plus souvent mes lunettes. J'aime beaucoup ces lunettes. Elles sont comme un masque de super-héros. Elles me rendent anonyme. En fait quand j'y pense, je n'ai pas trop envie que les gens me parlent. Qu'on s’intéresse à moi. J'ai l'impression d'être entourée de figurants, sans couleurs. Il n'y a plus de couleurs ici. Tout le monde est blanc. Moi j'ai besoin de couleurs.

J'aime les couleurs. Surtout le rouge. C'est pour cela que mes lunettes sont rouges. C'est aussi peut-être pour cela que je ne fais pas de l'air-treck comme tout le monde. J'aime le rouge, alors la route sur laquelle je ride est rouge. Dans la Nuit, cette couleur luit différemment. Elle brille. Elle me fait sentir en vie. Peu importe si on me voit pas. Si on ne me reconnait pas. La Nuit je vois. Je sens. La Nuit permet la confrontation des couleurs. Et la mienne naît des éclats de mes rencontres.

Ma route se trace dans le vermeil. Je dessine dans le pourpre et le carmin. Cela contraste tellement bien avec le blanc. J'aime la chaleur de cette couleur. Sentir les pigments carmin chaud couler le long de mes bras. Je repeins les rues, la ville, le monde en vermillon. Je redessine cet endroit aseptisé... Oh, il est deja si tard ! Par contre il faut que j'aille faire quelques courses pour Mamie ce soir ! Bonne journée !

STORYTELLING

Il y a deux ans, une anonyme se tenait au bord d'un toit d'immeuble. Il faisait nuit. C'était le moment que cette fille avait choisi pour disparaître. Le monde était trop uniforme. Il n'y avait de place que pour le "bonheur", le reste des émotions était passé à la trappe. Il semblait que ces émotions n'avaient plus leurs places ici. Tout comme cette fille, sur ce toit. Ce n'était pas un geste de désespoir, mais un geste d'ennui.

Ainsi, elle fit un pas dans le vide. Son corps bascula silencieusement. La sensation de chute ne fut pas une désagréable surprise, pratiquer l'Air-treck l'avait habituée au vertige. Elle s'attendait à ce que ce soit fini en quelques secondes : les cours, les devoirs, les murs blancs de sa chambre... Elle n'en pouvait plus du blanc. C'était sa grand-mère qui avait tout fait repeindre. Oh. Sa grand-mère, elle serait probablement triste. Tant pis.

D'un coup, le vent. A quelques mètres du sol, sa trajectoire changea. Elle venait de se faire saisir par le pull, et de se faire jeter en avant. La jeune fille eut un hoquet de surprise. Ses cheveux, balayés par un vent puissant, lui permirent tout juste d'entrevoir une silhouette bleutée.

Son corps allait bientôt heurter un poteau. Voilà une mort bien compliquée. Subitement, le poteau s'éclaira d'une flamme rougeoyante. Un rider semblait-il. C'était beau. L'extase ne dura que quelques millisecondes, car interrompue par un choc brutal. Le faiseur de flamme venait de l'attraper par le ventre. Son souffle fut coupé et elle cracha de la bile, alors même qu'elle tournoyait dans les bras du rider.

Il diminua sa vitesse de rotation tout en redescendant vers le sol. Il lâcha l'inconnue à un mètre du sol, sans ménagement. Une pitoyable chute plutôt que l’apothéose d'une vie. Elle se releva. Sonnée et endolorie. Elle regarda le ciel. Et vit s’entremêler du bleu et du rouge, puis d'autres couleurs, au fur et à mesure que des riders venaient se joindre aux deux autres. Ce fut pour elle un immense feu d'artifice. Une myriade de couleurs, probablement dû à la sévère myopie de la jeune fille dont les lunettes avaient chu, qui, couplée à la douleur, réveilla une furieuse envie de vivre chez la jeune fille.  

Elle rentra en se tenant le ventre, qui commençait à virer violet. La douleur était vive, mais vivifiante par son intensité. Elle se fit gronder par sa grand-mère pour avoir perdu ses lunettes. Elle s'en fit racheter de nouvelles. Des rouges. Sa couleur préférée. Elle commença à rider assidûment. Elle voulait reproduire cette onde de choc si violente qui l'avait sauvée, qui lui avait appris que la douleur existait encore dans ce monde si placide. Et qu'elle entraînait la rage de vivre.

Kuroe respirait à nouveau.